As-t-on besoin de vie privee ?

Ohai,

Those are the notes I used for my talk at the Ubuntu Party in May 2015. So it’s in French – sorry but feel free to translate.

It’s about privacy, and it intends to give other way to talk about it.

As-t-on vraiment besoin de vie privée?

"On the internet nobody knows you’re a dog".

Depuis les débuts d’Internet, la vie privée à toujours été une problématique forte. Qu’il s’agisse de l’utilisation de pseudonyme, des Anonymous ou des problématique autour de l’immixtion arbitraire dans la vie privée, la vie privée à toujours été débattue sur la place publique.

C’est une notion qui est présente dès que l’on parle de communication et d’information – le secret des correspondances date de bien avant UseNet – mais qui est également utilisé à tort et à raison par des personnes fort différente. Du droit à l’oubli demandé par les politiciens au coming out pratiquée par les communautés LGBTIQ en passant par l’invisibilisation et le conformisme parfois volontaire, parfois subit, que recouvre vraiment la notion de vie privée, et mark Zukerberg a-t-il raison quand il affirme que la vie privée est un artefact du passé?

Ça fait un peu de temps que je réfléchit à ce qu’est une identité, a ce qu’est la vie privé et aux problèmes que cela peut soulever dans la construction de soi. En tant que personne bisexuelle ce sont des questions qui me touchent personnellement et ne sont pas forcément simple.

Mais d’abord quelques définitions.

Qu’est-ce que la vie privée? Et autres définitions nécessaires.

Vie privé / Vie publique

Citée par tous les défenseurs des droits, notamment par l’article 8 de la Convention Européenne des Droits Humains et par l’article 12 de la Déclaration Universelle des Droits Humains de l’ONU, la protection des personnes contre l’immixtion dans leur vie privée est considérée comme un droit fondamental. Mais elle n’est jamais définie dans ces textes et chartes. Généralement car la notion de vie privée évolue avec les mœurs mais aussi avec la technologie. Il y a peu de chance que – en 1948 – l’ONU ai pu imaginer que nous nous baladerions tous avec un appareil capable de nous localiser au mètre près et capable d’enregistrer ces données sur plusieurs dizaines d’années.

Quand je parle de vie privée, je parle donc de tout ce qui n’est pas public. Ce qui est public c’est ce qui est accessible par une entité qui n’est ni émettrice ni réceptrice d’un message. La vie privée ne concerne donc que ce qui est connu par un groupe définit et restreint.

On peut d’ores et déjà remarquer qu’il y a différentes vie privées et publiques en fonction des différents cercles sociaux auxquels ont appartient. Et dans un monde favorisant les connexions entre ces différents groupes, toute la difficulté de gestion de la vie privée vient de là.

Entropie de l’information

Retournons aux bases de l’informatique et de la science de l’information avec la théorie de l’information de Shannon, telle qu’il l’a formulée en 1948, afin de définir l’entropie de Shannon.

L’entropie d’un système d’information est – en gros – inversement proportionnelle à la possibilité de prédire la prochaine information venant d’une source. Par exemple, si un émetteur n’a émis que des ‘a’, alors la source possède une entropie faible. Mais si jamais un ‘b’ apparaît, c’est une information à forte entropie (et nécessitant peu de bit pour être codée) car ce comportement n’a pas pu être prédit en considérant la source d’information.

Dans un monde normé, composé uniquement de ‘a’, exprimer une différence – de manière voulue ou non – est donc une information à forte entropie. Moins il y a de ‘b’, ‘c’, etc… plus leur apparition sera entropique et donc considérée comme anormale, comme une anomalie.

A l’inverse, dans un monde peu ou pas normé, dans lequel toutes les expressions sont reconnues et existe, être différent n’a que peu d’entropie, peu d’impact sur cet ensemble.

Nous vivons actuellement dans un monde normatif, encourageant le conformisme à un modèle donné. Ce modèle est véhiculé par différents médias : la publicité par exemple, qui véhicule une image de bonheur ou de beauté qui ne peut être atteint que par un certain type de personne, ayant un certain corps, une certaines couleur de peau etc… ; mais aussi par les gouvernements qui définissent les bons et mauvais citoyens grâce aux lois qui définissent la marge (stupéfiants, prostitutions, squats, hackers, etc…)

Panopicon

Un panopticon est une prison idéale théorisée en Angleterre au dix huitième siècle et qui se base sur le fait que les prisonniers savent qu’ils peuvent être surveillés en permanence, mais qu’ils ne voient pas si ils sont effectivement surveillés.

La concrétisation de la menace de surveillance – et de répression en cas de non respect des règles établies – est suffisante pour garder les prisonniers sous contrôle.

Michel Foucault étendra ce principe à d’autre milieu sociaux en 1975, et expliquera que ce système de contrôle – la peur d’une surveillance omniprésente – est présente à de nombreux stades de notre société : à l’école, dans l’entreprise, à l’atelier et bien au-delà de la simple prison.

Un système panoptique est donc un système qui entretien une illusion de surveillance doté de capacité de répression afin de forcer les personnes à se conformer et à obéir à des règles. Il n’y a aucun besoin que cette surveillance soit réelle ou efficace, il suffit qu’elle soit visible et présente dans les esprits.

Privacy sucks

Identité « par défaut »

Ce qui est public c’est ce que l’on connait d’une personne lorsque l’on l’on interagît avec elle. Comment elle s’habille, sa coupe de cheveux, les stickers sur son laptop, sa photo de profil sur Facebook, le contenu de sa page Wikipedia où les résultats de recherche retournés par Google quand je cherche à savoir à qui j’ai affaire.

Bien entendu, la façon dont on est perçu par les autres dépend des normes sociales. Le fait d’avoir les cheveux longs n’a pas le même impact pour les garçons aujourd’hui qu’il y a 40 ans. Et il est également parfaitement possible de jouer avec ces codes pour passer dans une autre classe sociale que la sienne. Porter une blouse blanche vous fera passer pour un scientifique – et vous permettra de bénéficier d’un biais d’autorité – de même que porter un costard vous rendra plus crédible auprès de votre banquier pour obtenir un prêt.

Cet ensemble de code sociaux qui permettent de définir rapidement l’appartenance d’une personne à un groupe social est définie comme l’identité sociale. Cette identité sociale – à ne pas confondre avec l’identité personnelle – permet généralement de compléter ou de projeter les parts non explicite et non publique d’une personne. Typiquement, quelqu’un qui traine sur le chan #tor@oftc aura une identité sociale de hacker, avec tout ce que cela implique. Les hackers étant majoritairement des hommes blancs cis-hétéros, à moins qu’une personne n’explicite directement certains aspects de son identité personnelle – et donc abandonne une part de sa vie privée, j’aurais tendance à supposer que je parle à un homme cis-hétéro lorsque je parle avec quelqu’un de ce canal IRC.

L’assomption "On the internet nobody knows that you’re a dog" part du principe qu’il est possible de ne pas avoir de marqueurs sociaux en ligne. En effet, lorsque l’on se connecte il est parfaitement possible de ‘passer’ pour un utilisateur standard. Un profil twitter non personnalisé, avec un pseudo non genré ne révèle que peu de chose sur vous. On ne sait pas si vous êtes un homme ou une femme, noir ou blanc, un chien ou un chat.

Mais notre cerveau a besoin de catégoriser les personnes pour pouvoir interagir avec elles. Pour éviter les impairs, mais aussi parce que notre cerveau fonctionne par anal
ogie (et reconnaissance de motif) et que des hormones telles que l’atropine permettent d’amplifier ces comportement.

Et un utilisateur d’internet a une identité sociale. Plus de la moitié des utilisateurs d’internet sont basés dans les pays dit développés (Europe et Amérique du Nord principalement), et l’utilisateur "moyen" (au sens statistique) d’internet est donc un homme blanc cis-genre hétéro. L’identité sociale d’un utilisateur d’internet est celle-là. Ce qui veut dire que, à moins d’afficher des marqueurs permettant de vous classifier en dehors de cette identité sociale, j’aurais un ‘passing’ d’homme blanc cis-genre.

Quand j’ai une photo de profil d’œuf dans ma timeline sur twitter, je suppose que cette personne est un homme blanc cis-genre. Je lui assigne inconsciemment cette identité, et je m’attend à ce qu’elle se conforme à cette identité.

De même quand je croise une personne dans la rue. Les données que j’emmagasine sur elle en analysant la façon dont elle s’habille, se coiffe, marche, la façon dont elle parle, tout cela me donne des indices sur l’identité sociale de cette personne.

Cette identité n’est pas nécessairement son identité personnelle, il est important de le noter. Si je m’habille comme ça, c’est parce que j’ai envie d’être identifié comme un hacker, ce n’est pas forcément pour ça que je pense en être un. De même une personne efféminée passera pour une femme ou un homo, même si ce n’est pas nécessairement comme cela qu’elle se définirait.

Cette identité "par défaut", sociale, fait que pour pouvoir exister hors de cette norme, pour pouvoir être considéré par les autres comme ce que l’on est et non pas comme cette identité par défaut, il est nécessaire d’abandonner partiellement notre vie privée. Le fait que je vous dise que je soit bisexuel me permet de ne pas être entièrement classé dans cette identité par défaut, et donc d’enrichir une diversité d’identité. Cette diversité peu s’avérer vitale dans un système social, nous le verrons plus loin.

L’identité par défaut peu cependant avoir des avantages. Par exemple, LEGO en choisissant de faire ses figurines à la peau jaune avait établi à l’époque que c’était pour éviter les histoires de racisme. Ce jaune plastique à d’ailleurs été réutilisé un peu partout comme couleur ‘neutre’ et a été dérivée un peu partout. Les smileys et émojis jaunes par exemple.

Sauf que cette couleur a été assimilée à la couleur par défaut. De même que le blanc, ce jaune est devenu la couleur de peau par défaut, et donc ce jaune est devenu synonyme de blanc. Spécifiquement, lorsque la firme LEGO a commencé à développer la licence Star Wars. Lando Calrissian fût un des personnages à ne pas avoir sa mini figurine.

Plus tard, le set LEGO Sports représentant différentes personnalités du sport, donna aux joueurs de la NBA une peau noire, ce qui valida bien que la couleur "par défaut" jaune est en fait celle du système dominant en place. De même les emojis – au début tous jaunes – sont maintenant déclinés dans de nombreuses tonalités de peau afin de permettre à chaque personne de choisir comment elle veut être identifié.

Il y a aussi un trope au cinéma qui établit que l’homme est le "défaut" pour l’humanité. Un personnage de fiction est, par défaut, mâle. Si c’est une femme, il y a une raison spécifique pour – ou alors cela va générer une vague de commentaire et d’attaque. C’est ce que l’on appelle l’androcentrisme : on considère qu’une femme est une "anomalie" alors qu’elles constituent en fait 50% de la population humaine.

Le problème de cette identité par défaut est que, du coup, elle impose à celleux qui ne veulent pas être associées à cette identité par défaut la responsabilité de se démarquer, et de devoir abandonner des bouts de leur vie privée en les affichant car ces éléments sont privés pour les personnes se conformant à l’identité sociale par défaut.

Injonction à l’invisibilisation

Le discours que j’entends beaucoup dans le milieu geek/cryptonerds est basé sur le fait que l’on a forcément quelque chose à cacher et que donc, il faut nécessairement le cacher. Il suffit d’assister à un Café Vie Privé, ou de regarder les intitulés des conférences de l’Ubuntu Party par exemple.

Le discours est – en gros – vous devez tout dissimuler car le gouvernement/Facebook/Amazon/Google vont exploiter toutes ces données pour vous oppresser, vous exploiter, vous transformer en vache à lait et vous déshumaniser.

Selon ce discours, on devrait tous accepter l’identité par défaut. On devrait tous être des hommes blancs cisgenre hétérosexuels, puisqu’on ne devrait afficher aucune différence par rapport au modèle par défaut.

En suivant ce discours, les personnes opprimées parce qu’elles affichent une différence devraient cacher leur différence derrière leur vie privée et se conformer au modèle dominant et oppressif, au lieu de questionner ce modèle oppressif en affichant leurs différences.

Cette injonction, ce devoir d’utiliser sa vie privée pour se protéger des agressions, pose un double problème. D’abord, parce qu’il est formulés essentiellement par des hommes cis-hétéro blanc qui correspondent beaucoup à l’identité par défaut. Ces personnes n’ont que peu de choses à craindre d’un système oppressif car elles font parties – volontairement ou non – de cette classe oppressive. C’est donc une injonction d’oppresseurs à opprimés qui est formulées dans ce discours.

L’autre problème sous-jacent est que, si je suis discriminé, agressé, tabassé parce que je suis bisexuel et que je le revendique, alors on me dira que je n’avais qu’à dissimuler cette particularité. Que je n’avais qu’à me taire et me conformer. Ce discours ne remets pas en cause l’oppression systémique et classiste, voire l’encourage. Après tout, si quelqu’un n’est pas capable de chiffrer correctement ses communications et se fait prendre, ben c’est qu’elle l’a bien cherché, elle n’avait qu’à utiliser Tor.

Demander à supprimer de l’espace public les spécificités et les différences des uns et des autres, revient à uniformiser tout le monde derrière l’identité par défaut. Parfois utile pour mettre en retrait des informations qui pourrait parasiter un discours vis à vis d’un oppresseur – typiquement le black bloc ou les anonymous – cette uniformisation est nuisible si elle est maintenu en permanence et dans tous les espaces de notre société.

Déjà, parce qu’elle augmente l’entropie nécessaire à afficher une différence. Si personne n’est comme moi, alors il est coûteux d’afficher cette différence, et cela pourrais même être vain. Après tout, si je suis seul à ne pas être comme les autres, je n’ai aucun intérêt à l’afficher.

Mais surtout parce que cette uniformisation est présente partout où je vais. Dans la rue, le métro, au taff, dans les conférences techniques, etc…. L’espace public n’appartiens pas aux minorités. Le discours de la Manif pour tous – et leur défense quand on les accuse d’homophobie – est qu’il n’ont rien contre les homos, du moment qu’ils ne s’embrassent pas dans la rue. Ils justifie cela par une agression de leur modèle exprimée par le fait que deux personnes du même genre se tiennent par la main dans la rue ou s’embrassent.

Cette injonction à la vie privée est une ostracisation. Elle force les opprimés à se regrouper dans des endroits safe, dans des ghettos, dans des quartiers à eux où ils peuvent exprimer leur identité sans se faire emmerder. Demander à quelqu’un de tout chiffrer, de ne pas utiliser facebook ou Google parce qu’elle pourrait être profilée, c’est mettre la responsabilité de l’agression sur la personne qui aurait afficher une différence, qui aurait pu très bien se conformer.

Dire que si je ne chiffre pas mes communications et que je ne me conforme pas à l’identité dominante par défaut alors le
gouvernement viendra m’emmerder, c’est valider le fait que le gouvernement est légitime pour aller emmerder les personnes à la marge. Dire que pour me protéger du harcèlement en ligne, il suffit que je ne dise pas que je suis une meuf, revient à ne pas remettre en question le fait qu’il y ait du harcèlement.

L’injonction à la vie privée permet, in fine, aux dominants de ne pas e remettre en question. Cette injonction au chiffrement permet de ne pas attaquer l’état sur la légitimité de la surveillance massive. Ce n’est pas parce que je n’utilise pas Tor que la NSA a le droit de surveiller mes communications.

Mais au final, la question la plus important à laquelle ne répond pas le chiffement c’est que si tout est privé, alors qu’est ce qui est légitime à exister dans l’espace public? Qu’est-ce qu’il est légitime de faire en public? Si tout le monde à la même apparence, le même genre, le même uniforme, au final quelle liberté j’ai dans l’espace public? Si porter une cravate rouge au lieu d’une cravate noire deviens un acte subversif, qu’est-ce que ça nous dit de notre société?

Le refus de la vie privée comme acte militant

Rendre publique une partie de sa vie privée est un acte militant. S’affiche comme membre de telle ou telle communauté, et donc hors de la norme établie, permet de faire évoluer cette norme, de réduire l’entropie d’être différent.

C’est une stratégie qui a déjà été beaucoup utilisée. Le manifeste des 343 salopes par exemple a permis de faire avancer le débat sur l’avortement en France et à amené à la loi Weill. 343 femmes ont abandonnées une partie de leur vie privée et se sont reconnues coupable d’un délit, afin de remettre en question ce qui à l’époque était l’état de la loi.

C’est également la stratégie du coming out développée par Harvey Milk entre autres, stratégie qui permettra son élection au poste de maire d’un district de LA, puis à son assassinat.

Cette stratégie est basée sur le fait que si une personne straight connait une personne homosexuelle, que c’est un ami, un frère, une sœur, alors il y a moins de chance que cette personne straight considère l’homosexualité comme une tare ou que la discrimination contre les homos soit quelque chose qui ne la concerne pas.

S’afficher ouvertement comme faisant partie d’une minorité permet aussi aux autres personnes de cette minorité de ne pas se sentir seul⋅e⋅s ou abandonné⋅e⋅s. Cela leur donne un contact, un point d’entrée vers des groupes d’entraide et de soutien, et cela peut amener d’autres personnes à essayer de comprendre les oppressions systémiques.

On le voit, par exemple, dans le mouvement féministe sur twitter. Les féministes font blocs et se soutiennent parce qu’elles se revendiquent en tant que telle. Certes, cela les expose a du harcèlement en ligne et hors ligne, mais avoir un groupe, une communauté, leur permet de aprtager leurs expériences, de se soutenir quand ça ne va pas, de faire front contre les agressions et aussi de s’autogérer c’est à dire de pouvoir s’organiser entre elles, sans qu’un homme blanc cis-hétéro viennent les "aider".

Cette autogestion permet la réappropriation des espace publics. Qu’il s’agisse d’espace hors-ligne – tels que les marches de nuits ou la non-mixité dans certains lieux – ou en-ligne – avec tumblr par exemple qui est essentiellement féminin – cette réappropriation de l’espace public n’est possible que par un abandon partiel de sa vie privée.

En exprimant une injonction à la vie privée et donc en validant le système oppressif actuel, vous empêchez cette réappropriation de l’espace public. Vous forcez les minorités et groupes opprimés à n’exister que dans la sphère privée, loin des regards. Vous les forcez à la clandestinité, à exister hors de votre espace public.

Cette mise à l’écart, cette ostracisation forcée gomme de l’espace public les personnes concernées. Elles n’ont plus le droit d’avoir une identité sociale en lien avec leur identité personnelle. Dans 1984, si tout le monde porte un uniforme c’est pour qu’il ne soit pas possible d’exister hors de l’Angsoc. Les seuls qui ne portent pas cette uniforme sont les personnes qui ne sont pas membres du parti et qui vivent dans les bidonvilles. Ces personnes n’existent pas pour le personnel administratif.

Si vous empêchez les femmes d’exister sur internet, ou les LGBT, alors vous les invisibilisez. Vous leur refusez le droit de s’exprimer dans l’espace public, vous les empêchez de verbaliser les agressions qu’elles subissent. Et si ces agressions ne peuvent être verbalisées, alors peut-être qu’elles n’existent pas. Ou qu’elles ne sont pas systémique. Si je me fais fouiller par les flics, ce n’est pas parce que j’habite à Saint Ouen et que j’ai l’air d’un dealer, c’est juste un contrôle aléatoire. Si il n’est pas possible de faire de statistiques sur les contrôles au faciès parce qu’il n’est pas possible de faire de statistique ethnique, alors il est impossible de mesurer efficacement le racisme de la police.

Si on ne peut mesurer le racisme de la police, alors c’est qu’il n’existe pas. On ne peut pas en prouver l’existence. Tous les débordements et toutes les bavures seront la faute d’individus, pas d’un système raciste et oppressif.

De la même façon, en demandant à tout le monde de tout garder privé, vous validez l’invisibilisation des minorités, vous leur niez le droit et la possibilité d’exposer des oppressions. Faire le choix militant de se revendiquer d’un groupe social, d’abandonner une partie de sa vie privé, est le seul moyen de confronter la société à ses inégalités et injustice.

Ce n’est pas du tout un choix aisé et il y a de nombreux endroits dans le monde où je ne pourrais pas dire que je suis bisexuel sans être instantanément menacé de mort.

Privacy rox

Comme moyen de défense

Ces discriminations basées sur l’identité personnelle sont la raison pour laquelle toutes les déclarations des droits définissent un droit à la vie privée pour se protéger contre ces discriminations.

Ce droit permet à chaque personne de s’aménager un espace personnel dans sa vie quotidienne, espace dans lequel il lui est possible d’essayer de se construire de se définir.

La vie privée permet d’avoir un espace d’expérimentation, un espace dans lequel on peux essayer des choses ou faire des choses que l’on a pas nécessairement envie d’exposer au public parce que l’on ne sait pas encore si on approuve ou pas ces choses. Il peut s’agir par exemple de questionner son identité de genre ou sexuelle, de se demander si le FN n’aurais pas tort et proposerait des choses intéressante ou même de faire une blague sexiste.

Après tout, dans un cadre privé et où tout le monde se connaît, il est possible de baisser sa garde, de laisser échapper un mot ou une blague oppressive et que cela soit compris comme cela, comme une erreur, comme un dérapage ou juste comme un lâcher prise. Et ce n’est pas parce que l’on lit Mein Kampf que l’on est nécessairement un sympathisant d’Adolf Hitler.

Ces expérimentations, sont extrêmement importantes car elles permettent d’apprendre. En explorant des voies alternatives sans être soumis au jugement des autres, il deviens possible de se construire, d’essayer de se définir.

On peut parfaitement avoir besoin de Windows pour travailler, parce qu’il n’est pas possible de faire changer seul toute la politique des système d’information d’une entreprise de 600 personnes et pour laquelle on est qu’un employé comme un autre. Ou juste parce que c’est plus pratique pour dépanner l’ordinateur des personnes qui viennent aux Repair Café et que non, on ne va pleur mettre Ubuntu parce que ce n’est pas la raison pour laquelle ces personnes sont venues – et que l’on ne veut pas qu’elles nous appellent dès qu’un .docx va planter sur leur machine. En revanche l’annoncer ici, publiquement, va déchaîner l’ire de nombreuses personnes.

Ou b
êtement parce qu’un rm -rf –no-preserve-root / malheureux va vous exposer à d nombreuses années de moqueries.

L’espace public n’est pas vraiment un espace tolérant à l’erreur ou à la différence, essentiellement parce qu’il est accaparé par les oppresseurs. La vie privée permet de se négocier un espace dans lequel exister sans se confronter aux oppressions. C’est dans ce sens que la DUDH protège – par son article 12 – les citoyens contre les immixtions arbitraire dans leur vie privée.

Cette protection est nécessaire afin de permettre aux états de traiter tous les citoyens de manières égales. Se conserver une vie privée permet de se protéger contre les injustices du système ou de la société. Quand l’environnement extérieur cherche à vous stigmatiser et à vous rejeter, il est nécessaire de se conformer pour souffler et pour éviter d’être soumis à des violences physiques, sociales ou psychologique parfois extrêmement violente.

Il est également parfois nécessaire de passer pour quelqu’un du groupe dominant afin de pouvoir faire valoir certains points politique. L’identité par défaut, passe souvent pour une identité neutre et donc objective. Se parer de cette identité permet ainsi de bénéficier d’une aura d’objectivité qui permet d’asseoir son propos. Il suffit de voir les mèmes tels que "Fake Geek Girl" par exemple. C’est un mème qui se base sur le fait que les meufs n’y connaitrait soi disant rien en culture geek, et se base sur le fait qu’elle ne savent pas répondre à un obscur fait de trivia basé sur cette culture pour leur refuser l’appartenance à cette culture geek. Fait qui est – très souvent – ignoré par une grande partie des hommes faisant partie de ce groupe.

Se faire passer pour un homme dans ce milieu permet donc à une femme de ne pas se faire jeter dehors, juste sous le simple prétexte de son identité de genre non conforme au milieu, et donc de pouvoir se faire écouter par des mecs qui ne l’auraient pas écouter sinon.

Il y a aussi plusieurs espaces publics ou privés. Des choses qui sont parfaitement acceptées dans un sous-groupe, peuvent être sujet à discrimination dans un groupe plus grand ou différent. Démarrer un Mac OS X à NUMA sera parfaitement bien vu, mais vous vaudra quelques regards en coin si vous le faites au Loop. L’intersections et les interactions entre ces cercles sociaux et ces groupes rendent encore plus complexe et flou la notion de vie privée et de vie publique.

Surveillance de masse et discrimination

La surveillance de masse a pour but de pouvoir surveiller l’entièreté d’une population. Cette surveillance ne se limite généralement pas à l’espace public, mais concerne l’ensemble de la vie d’une personne ou – pour être précis – l’indexation et l’analyse de l’ensemble des données personnelles, privées ou non, disponible par une entité étatique ou commerciale.

Ce qui est surveillé devient, de fait public. Connu par l’état ou par les autres. Votre statut relationnel est mis à disposition du public par facebook, de même que votre identité de genre par exemple. La RATP sait quels trajets vous effectuez et peu donc vendre des publicités mieux ciblées aux annonceurs via sa filiale Metrobus.

Si tout est surveillé, tout est alors public. On se retrouve dans le modèle du Panopticon tel que envisagé par Foucault dans "Surveiller et Punir". On ne sait même pas si on est surveillé, mais le simple fait que cette menace existe nous force à nous conformer et donc à nous contrôler. Les boîtes noires de la Loi sur le Renseignement n’ont même pas besoin d’exister ou de fonctionner pour être efficace, il suffit simplement que nous soyons persuadés qu’elles existent et qu’elles analysent intégralement notre vie privée devenue publique pour que nous ayons déjà commencés à modifier nos comportements et notre rapport à la vie privée.

Dans un monde sans vie privé et ayant pour but de forcer au conformisme, alors l’anti conformisme devient suspect. Les personnes ayant le plus à perdre du panoptique sont les personnes qui refusent ce conformisme, car c’est elle que le panoptique cherche à identifier. Toute personne refusant de se conformer est désormais suspecte d’atteinte à la sureté de l’état.

De fait, la surveillance de masse est nécessairement discriminatoire. Elle ne concerne pas les personnes faisant parti de la classe dominante, ou désirant s’y conformer. La surveillance de masse ne va détruire la vie privée que des personne opprimées. Cette surveillance impose donc une forme de conformisme, d’uniformité et – on l’a vu – cette uniformité amène à une invisibilisation des marges et à leur suppression de l’espace public. Or, sans espace privé, ces personnes ne peuvent exister, il deviens impossible de formuler une oppression.

Se négocier un espace privé est donc un moyen de lutte contre la société panoptique et conformiste. Pouvoir vivre en dehors du système de surveillance de masse permet de préserver son individualité, qui ne peut s’exprimer que dans sa vie privée dans un système social de ce type. Sans vie privé, il devient impossible de formuler une idée qui va contre le système social ou d’expérimenter. Il devient impossible d’évoluer ou de se penser différemment des autres ce qui amène à la disparition de toutes les différences vis vis des autres et à l’assimilation de notre identité personnelle à notre identité sociale. Nous ne sommes plus des personnes mais des fonctions et des rôles.

L’invasion de notre vie privée par toute sorte de système panoptique (administration et état d’une part, mais aussi toutes les entités se gavant au big data) amène donc à la suppression des individus et à notre assimilation à une identité sociale hors de notre contrôle. Il est donc littéralement vital que nous reprenions le contrôle sur nos données personnelles – qui ne sont jamais définies comme privées par les opérateurs – afin de savoir qui a le droit de savoir quoi sur moi. Quitte à ce qu’Amazon ne puisse pas me proposer de livre que j’aimerai à tous les coups.

Conclusion

La vie privée est donc quelque chose d’extrêmement important, on l’a vu elle seule permet de pouvoir remettre en question un système oppressif et conformiste en permettant à chacun de se construire son identité personnelle.

Cela dit, l’injonction à la vie privée, dire à tout le monde qu’il faut tout cacher, c’est justement se conformer au système panoptique. C’est refuser aux individus le droit d’exister comme ils le veulent.

C’est un droit consacré par plusieurs déclarations des droits humains. Mais c’est un droit, pas un devoir. Je n’ai aucune obligation à cacher mon identité sexuelle, ni à la révéler. C’est un choix que je fais et que je suis seul à pouvoir faire.

Et c’est un choix qui évolue dans le temps et le contexte social. Ce n’est pas parce que je balance des choses sur moi dans un cercle social défini que je le ferai dans un autre. Il n’y a pas de règle universelle de ce qui doit être privé ou public, il n’y a que des curseurs que l’on essaye de contrôler pour exposer plus ou moins de sa vie privé, pour différentes raison.

Mais oui, il est absolument nécessaire de réfléchir aux outils pour protéger sa vie privée, notamment en ligne. Mais il faut aussi se poser la pertinence de ces outils et de ses usages. Ces outils doivent permettre aux personnes qui le désirent de choisir quelles informations rendre publiques et lesquelles doivent rester privées.

Il faut aussi se poser la question de la lutte globale contre la surveillance généralisée, parce que Tor, GPG, OTR ou autre ne sont pas la solution universelle. Ces outils ne résolvent pas le fait que les états est


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